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-> Bases théoriques pour la néologie au sein de l’Institut de la Langue Savoyarde
-> Les différentes formes de néologie
-> Problème social de la néologie
-> Le droit au néologisme
-> Le style néologique
-> Problème de néologie
-> La néologie, pratique créant un sens en elle-même
-> Le système linguistique
Qu’est-ce que la commission néologisme ?
La commission néologisme est missionnée à l’élaboration d’une forme standard du savoyard à destination de son instruction au sein des écoles et des cours en lignes. Sa tâche est avant tout lexicographique, c’est-à-dire qu’elle doit rédiger des lexiques, des dictionnaires et d’autres matériaux afin de produire un corpus de base pour le savoyard médian.
Un constat subsiste depuis longtemps sur le savoyard parmi les locuteurs de cette langue, elle peut être très riche lorsqu’il s’agit de parler d’éléments anciens, aujourd’hui relayés à l’Histoire, alors que lorsqu’il s’agit d’éléments de la vie contemporaine, les locuteurs peinent souvent à exprimer leur pensé. Ainsi, la commission néologisme souhaite éviter que le savoyard ne soit relayé qu’à une simple place de langue mémorielle, mais plutôt qu’elle entretienne une pleine capacité à décrire le monde contemporain par elle-même. D’où le nom de cette commission, qui, lors de son travail, produit également un certain nombre de néologismes, ou bien, note ceux ayant déjà été collectés qu’un grand nombre de locuteurs ne connaissent pas encore.
Si vous rejoignez la commission, le service que vous aurez à fournir concernera donc principalement une recherche sur différents dictionnaires, souvent dans des graphies phonétiques telles que la graphie de Conflans. Il faudra donc retranscrire ces lexèmes en orthographe référence B, il faudra également leur trouver une prononciation en savoyard médian selon les règles déjà établies dans cette variante de l’arpitan. Ce sera également pour vous l’occasion de comparer différents dialectes de l’arpitan, comme le valdotain, le suisse romand, le lyonnais, le bressan et d’autres encore. Car il arrive souvent que nos voisins aient déjà les néologismes qui nous manquent. Enfin, vous serez parfois menés à créer de nouveaux mots à partir de formes déjà existantes ou à donner un nouveau sens à un mot qui risquerait de disparaître si nous ne le réactualisons pas.
Pour vous donner quelques exemples : Lorsqu’une conversation en savoyard aborde un sujet contemporain comme la politique par exemple, on pourrait être tenté de dire « député » en empruntant le mot français et sa prononciation. Mais si l’on veut conserver une morphologie régulière dans la langue, nous savons qu’il serait plus adéquat de dire « dèputât » car le préfixe français « dé- » équivaut à l’arpitan « dè- » et le suffixe nominal « -é » équivaut à « -ât ». Autre exemple, s’écartant encore un peu plus du français, le mot « musée » existe déjà sous une forme d’emprunté notée « muzé » en graphie phonétique. Cette fois-ci, plutôt que de faire un emprunt, les néologues ont fait une proposition. Prendre le verbe savoyard « banbanar » qui désigne le fait de flâner tout en faisant des va-et-vient, ce qui métaphorisé assez bien le comportement que l’on a dans un musée. Ils en ont ensuite tiré un nom féminin, à partir du participe passé du verbe : « la banbanaye ». Ainsi, de tels processus permettent de conserver une certaine originalité dans la langue. Ce sont ici des propositions faites aux locuteurs, en rien des obligations, leur perdurance dans le temps déterminera leur valeur.
L’idée de fonder une commission sur les néologismes a été émise l’an passé, lors de la réorganisation de notre association. Elle se base sur deux défis :
- Donner à notre langue un vocabulaire moderne, qui manque bien souvent, vu que les mots concernant le domaine agro-pastoral sont de loin les plus nombreux ;
- Favoriser une évolution convergente du lexique : si chaque secteur utilise ses propres mots pour rendre compte de techniques et de concepts d’aujourd’hui, nous risquons bientôt de ne plus nous comprendre. La situation est particulièrement grave entre les régions influencées par le français et celles sous régime italien : les emprunts à deux langues dominantes différentes ne peut que conduire à de sérieux problèmes de compréhension.
Évidemment il y aura toujours des dialectologues pour nous dire que de telles influences sont « naturelles », que c’est très bien que chaque coin évolue de manière indépendante… A cela on peut répondre que nous ne refusons pas les évolutions locales, mais que pour nous l’intercompréhension est primordiale, que notre langue doit comme les autres pouvoir montrer une certaine unité et par là que des formes communes doivent exister et être connues de tous, même si certaines ne sont pas ou guère employées au niveau local. Par ailleurs ce niveau purement local est en voie de disparition : hormis au Val d’Aoste, dans la plupart des communes les locuteurs sont peu nombreux et chacun tend à utiliser la langue avec des personnes géographiquement plus ou moins éloignées, ce qui est favorisé par la vie actuelle avec ses nouveaux modes de déplacement et de communication.
Depuis le début de cette année 2022 un groupe travaillant sur les néologismes a ainsi été mis en place. Il se réunit virtuellement tous les deuxièmes jeudis du mois, entre 18 h 30 et 20 h. Chacun fait ses recherches sur les thèmes proposés, les réunions servent à une mise en commun et à des discussions sur des points particuliers. Les participants viennent bien évidemment de Savoie, mais aussi de Vaud, du Valais, du Val d’Aoste et nous pouvons en attendre d’autres régions.
Nous proposons pour l’instant deux pistes de travail : un thème général, dernièrement sur les sports d’hiver, et un thème de fond : l’amélioration du logiciel de traduction Apertium (accessible depuis ce site), déjà très riche mais auquel il faut apporter les mots qui manquent lorsqu’on effectue des traductions de textes traitant de l’actualité.
Mais au fait, qu’est-ce qu’un néologisme ? En réalité c’est au sens assez large que nous prenons ce terme. Il ne s’agit donc pas seulement de « mot nouveau », censé correspondre à un concept neuf, à une nouvelle technique, à un appareil électronique qui vient de faire son apparition sur le marché, à un phénomène ou une mode qui tout à coup fait fureur… Pour nous cela correspond à tout terme qui fait défaut dans la perspective d’une langue moderne, capable de traduire les besoins de la vie de tous les jours. Souvent le mot n’est pas à inventer, il existe déjà dans tel ou tel dialecte sous une forme très généralisable, encore faut-il savoir le trouver et le proposer. C’est pour cela que nous faisons appel à de nouveaux contributeurs, capables d’un travail constructif et d’un engagement soutenu.
Une suite en divers épisodes devrait être donnée à cet article, exposant l’avancée de nos travaux et traitant de manière concrète certains points particuliers.