Le francoprovençal est une langue originale, qui a des caractéristiques propres et irréductibles à celles d’aucune autre langue. Il ne s’identifie ni au français, ni au provençal, ni à aucune autre langue romane.
L’originalité de cette langue, par rapport à ses voisines, les langues d’oïl et les langues d’oc, tient à sa phonétique particulière, née de son propre histoire. Cette histoire commence à la romanisation, quand la région fut latinisée à partir de Lyon (Lugdunum). C’est la somme de l’influence initiale d’un latin assez pur, puis d’un latin plus populaire au moment de la conquête des Gaules et l’absence de germanisation importante comme dans le nord des Gaules, qui fit que le savoyard est resté plus proche du latin que des langues d’oïl. La langue a notamment conservé l’accent tonique sur l’avant-dernière syllabe, comme dans la plupart des langues latines, ce qui permet d’en tracer la limite au nord du domaine.
L’arpitan s’est formé autour d’un triangle Lyon-Genève-Aoste, mais Lyon étant passé rapidement à la langue du Roi de France, l’idiome s’est retrouvé sans véritable centre directeur et s’est naturellement dialectalisé, comme toute langue orale. Malgré cette dialectisation, l’intercompréhension est très forte entre les parlers, pour peu que les locuteurs veuillent bien abandonner l’esprit de clocher qui leur fait mettre l’accent sur les différences, généralement minimes, plutôt que sur les points communs.
Dans ce qui suit, nous ferons de nombreuses simplifications.
Il se distingue du français sur plusieurs points dont :
– La persistance de voyelles finales atones “a, e, è, o…”.
Ces voyelles de faible intensité n’existent pas en français (le “e muet” final n’est jamais prononcé par les Français du Nord. ( Il l’est parfois dans le Midi à cause de l’occitan ).
Exemple : francoprovençal : pourta (a atone). Français : porte (e muet non prononcé).
– L’accent tonique
En français l’accent tonique est sur la dernière syllabe prononcée. En francoprovençal, il peut être sur la dernière ou sur l’avant-dernière syllabe. Selon G. Tuaillon, c’est : “…un trait phonétique fondamental (qui) interdit que l’on confonde le francoprovençal avec la langue d’oïl ou avec le français”.
Il se distingue du provençal sur plusieurs points :
– La diphtongaison spontanée
Selon G. Tuaillon : “…L’occitan ne connait aucune diphtongaison spontanée des voyelles accentuées. La langue d’oïl et le francoprovençal ont diphtongué quatre timbres accentués”.
Exemple pour “e” et “o” brefs latins :
latin occitan français ancien français francoprovençal
pedem pe pied pie pya, pi
cor cor coeur cuer kwer, ko
On voit sur ces exemples que la diphtongaison, bien qu’existant à peu près partout, sauf en occitan, n’est pas présente de la même façon dans tous les patois.
– Il se distingue de toutes les autres langues romanes par :
– Une double série de noms et d’adjectifs féminins issus de la première déclinaison latine : série avec finale en “a” atone, série avec finale en “i” atone.
Exemple : fèna (femme), filyi (fils).
– Une double série de verbes issus de la première conjugaison latine (ces verbes sont tous du premier groupe en français) : série avec finale en “a” tonique , série avec finales en “i” tonique. D’où un système de conjugaison original.
Exemple : shantâ (chanter), mezhi (manger).
Cette double série est fondamentale : plus des trois quarts des verbes, noms et adjectifs féminins appartiennent à l’une ou à l’autre série.
Autres caractéristiques du francoprovençal
– Un pronom relatif très généraliste “ke” signifiant : qui, que, dont, où, etc. représenté par “que” en fançais régional : la maison qu’on parle (dont on parle).
– Un pronom neutre sujet “i” représentanté par “ça” en français régional : ça pleut (il pleut).
– Une particule interrogative “tou”, signifiant “est-ce” : tou ke t â fan ? (est-ce que tu as faim ? )
Certaines de ces dernières caractéristiques peuvent être limitées à une partie de l’aire francoprovençale ou la déborder quelque peu.
Oral et écrit
Le francoprovençal est avant tout une langue orale, mais il possède depuis longtemps une littérature écrite. Les premiers textes connus datent du XIIIème siècle. Ce sont ceux de Marguerite d’ Oingt.
Au cours des siècles, il n’a cessé d’être écrit en vers ou en prose, dans des chansons, des contes, des récits divers, avec une apogée au cours du XIXème siècle.
De nos jours, il est écrit par de nombreux auteurs occasionnels ou non, dans des concours en vers ou en prose, dans de nombreux dictionnaires, ou dans des œuvres diverses : pièces de théâtre, chanson, romans…
Pour en savoir plus
- Le Francoprovençal, G. Tuaillon (page 15 à 21)
- Huit siècles de littérature francoprovençale et occitane en Rhône-Alpes, Jean-Baptiste Martin et Jean-Claude Rixte. EMCC. Lyon 2010