La nouvelle loi, également appelée loi Molac, qui devait notamment protéger les langues régionales, les promouvoir et renforcer leur place dans l’éducation nationale, a été en partie censurée par le Conseil constitutionnel vendredi dernier, le 22 mai 2021. Ceci à la grande colère de tous ceux qui ont à cœur les langues régionales de France…

Une délégation de plusieurs groupes savoyards à l’entrée de la préfecture d’Annecy, pour le compte du collectif « Pour que vivent nos langues ».

Et pourtant, tout avait si bien commencé !
Le 8 avril 2021 devait toutefois être une journée « historique » pour tous les défenseurs des langues régionales, avec l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi Molac (du nom du député breton du groupe Libertés et territoires) relative à leur protection patrimoniale et à leur promotion. Elle a été votée à une très grande majorité par 247 voix contre 76, mais a divisé la majorité présidentielle, dont une partie l’a contestée devant le Conseil constitutionnel.

Le vendredi 22 mai, le Conseil constitutionnel a ensuite censuré deux articles de la loi, considérés comme non-constitutionnels, l’un portant sur l’apprentissage de la langue en immersion, l’autre sur l’usage des signes diacritiques dans les documents officiels.

Pourquoi les signes diacritiques poseraient-ils problème ?
Dans la langue française, plusieurs signes diacritiques sont utilisés, dont les cinq signes courants que sont l’accent aigu, l’accent grave, l’accent circonflexe, le tréma et la cédille. Dans les différentes langues régionales de France, d’autres lettres diacritiques sont également utilisées, que l’on ne retrouve pas dans la langue française.

L’article 2 de la Constitution française précise que « La langue de la République est le français ». Cet article, renforcé par une circulaire de 2014, est utilisé à mauvais escient par les opposants aux langues régionales pour interdire l’utilisation d’autres lettres diacritiques (et empêchent, par conséquent, toute expression des formes écrites des langues régionales).

Récemment, nous avons observé des exemples en Bretagne ou au Pays Basque, où les représentants de l’État interdisent les prénoms écrits dans une langue régionale, parce que certaines lettres diacritiques n’apparaissent pas dans la langue française et seraient donc non-constitutionnelles. Aussi ridicule que cela puisse nous paraître, selon la logique des opposants, un enfant portant le prénom breton Fañch, serait une menace pour l’unité de la France en raison du tilde qui figure dans son nom.

Quelle est alors la position de l’Institut ?
L’Institut de la Langue Savoyarde remercie tout d’abord tous les députés qui ont voté cette loi, ainsi que tous les élus des différentes collectivités territoriales qui ont soutenu et encouragé les actions en faveur des langues régionales, en amont du vote de la loi.

Conformément à ses statuts, l’Institut est apolitique et s’abstient de tout commentaire politique. Cependant, il défend la protection et la promotion des langues régionales et c’est sur cette base qu’il s’est rangé derrière le collectif « Pour que vivent nos langues ».

Aujourd’hui, il existe en France encore de nombreux problèmes liés à l’inégalité pour les langues régionales. Bien que la langue savoyarde ne soit pas concernée par le problème des signes diacritiques, l’Institut est solidaire des autres langues régionales de France et estime que l’Etat devrait faire preuve de plus de souplesse dans cette situation.

En revanche, la langue savoyarde (appelé aussi arpitan ou francoprovençal au sens large) reste toujours discriminée par rapport aux autres langues régionales : à la différence du basque, du breton, du catalan ou du corse, le Ministère de l’Éducation nationale ne veut toujours pas reconnaître le savoyard. Ainsi, malgré de nombreuses manifestations, pétitions et lettres écrites aux ministres, les élèves savoyards n’ont pas le droit d’apprendre leur langue à l’école, contrairement à leurs compatriotes français.

Et maintenant ?
En raison de l’inégalité de traitement des langues régionales en France et de la censure partagée de la loi Molac par le Conseil constitutionnel, le collectif « Pour que vivent nos langues » continue à lutter dans quasiment toutes les régions de France pour réclamer un cadre juridique sécurisé pour la préservation et la promotion des langues régionales.

Dans la région savoyarde également, le samedi 29 mai, les représentants des groupes de défense de la langue savoyarde se sont regroupés devant la préfecture à Annecy pour apporter une lettre cosignée par les cinq groupes principaux, à savoir l’Institut de la Langue Savoyarde (ILS), l’Association des Enseignants de Savoyard (AES), Savouè Ecula 2 (Association de parents d’élèves pour l’enseignement bilingue), l’Alliance Culturelle Arpitane (ACA) et Lou Rbiolon (Fédération de groupes de langue savoyarde). Ils ont tous exprimé leur mécontentement à l’égard de la situation linguistique en France.